Ecrans d’or ex æquo
La Balade des grands arbres – De Salomé Joshi [2021 ; 92’]
traverse le village. Les habitants le suivent. Cortège funèbre. La route est encore longue. L’itinéraire réservera quelques surprises géographiques…
Enfin, nous voilà transportés – c’est le cas de le dire – dans un jardin extraordinaire. A l’ombre d’un nombre inouï d’essences rares, des collines, disons des collinettes, recouvertes d’un tapis de pelouse humidifié par de petits jets d’eau, discrètes fontaines d’immortalité.
Le propriétaire – un oligarque géorgien, semble-t-il – déracineur d’arbres séculaires pour les replanter dans son jardin enchanté ne peut que se croire immortel. Tant mieux pour lui… en attendant Godot !
Décerner un Ecran d’or – ex æquo avec Quand l’art sème la forêt de Olivier Comte [2022 ; 52’] – ne se veut pas seulement le jeu des contraires, l’opposition du bien et du mal. Ce prix s’est imposé à la mesure du comportement de l’homme par rapport à la nature : l’humilité et la rivalité.
Quand l’art sème la forêt – De Olivier Comte [2022 ; 52’]
Dès l’ouverture du film, impression physique d’être dans un lieu chargé d’histoire. En effet, nous sommes au cœur de la Meuse, à moins de 40 kms au sud de Verdun. Vivent dans ce village paisible des femmes et des hommes « de la campagne » comme disent avec légèreté les citadins. Si ce n’est que quelque chose de particulier semble animer les âmes. Autour de la table de la cuisine, où ces gens-là se tiennent, une atmosphère sereine, des visages éclairés.
Ici, depuis 1997, on ouvre grand ses portes à des artistes venus de partout sur la planète. Des artistes qui, souvent, ne parlent pas notre langue. Ce n’est pas un problème, l’échange n’a pas besoin de mots pour circuler. Le matin, sur le pas de la porte, on les regarde partir munis de quelques outils droits vers la forêt.
Première mission : se laisser aimanter par les arbres, les mousses, les puits de lumière, les ombres à la recherche du lieu idéal pour modeler, forger, construire, traduire en formes ce que ce lieu leur inspire. Chaque œuvre bien sûr est singulière, pourtant elles transpirent toutes du même humus. De la même terre blessée, encore imprégnée du sang et de la mort des tranchées de 14-18. Le miracle, c’est que
ces sculptures déchirées, presque criantes se faufilent dans la nature, communient avec elle. Une trouée dans la nuit de l’horreur de la guerre, les oiseaux se remettent à chanter.
Et puis vient le jour où le village entier, les villages voisins, quelque trois cents personnes ont rendez-vous au fin fond de la forêt pour inaugurer l’une des œuvres. Tous fêtent le travail, souvent de plusieurs mois, d’un résident devenu un ami. Un ami qui trouvera toujours une porte ouverte.
Quand un village accueille l’art. Quand l’art sème la forêt. Un Ecran d’or – ex æquo avec La Balade des grands arbres de Salomé Joshi [2021 ; 92’] – largement mérité.